La fondation A Stichting

Diane Arbus, Walker Evans, Garry Winogrand, Harry Callahan, Lee Friedlander, Judith Joy Ross, Nicholas Nixon… C’est au départ de sa formidable collection personnelle qu’Astrid Ullens de Schooten, âgée aujourd’hui de 80 ans, a souhaité créer sa propre fondation privée. L’idée initiale étant de conserver un patrimoine — les œuvres photographiques les plus marquantes, de l’après-guerre jusqu’à aujourd’hui, aux États-Unis, au Japon, en Allemagne ou en Italie — pour  le  diffuser ensuite  largement.  Chaque  année, la Fondation A Stichting présente trois grandes expositions temporaires, axées tour à tour sur l’histoire ou sur la période contemporaine en donnant aussi carte blanche à de jeunes photographes.

Pour monter ses expositions, la Fondation se voit également prêter de nombreuses photos provenant d’autres collections ou de fonds, grâce à l’appui d’un important réseau dans le monde de l’art. Ainsi, dès sa création, la Fondation a pu compter sur l’entraide de la Fondation Henri-Cartier Bresson (Paris). Des contacts qui n’ont cessé de s’élargir au fil du temps, avec le Musée de l’Élysée (Lausanne), le Centre Pompidou (Paris) ou, plus récemment, le Musée national Centre d’Art Reine Sofia (Madrid).

Notre objectif aujourd’hui est de montrer quelques grands photographes presque totalement inconnus en Europe, et qui ne sont pas toujours des jeunes… comme l’italo-vénézuélien Paolo Gasparini, qui va fêter ses 85 ans cette année ! De grands artistes ont émergé de l’Amérique du Sud, leur travail  exigeant de l’argentique est soufflant, sans limite ».

Gasparini, figure incontournable de la photographie documentaire en Amérique latine, présentera, dès septembre 2018, ses images fortes sur les conditions de vie et sur les disparités sociales de certaines populations dans les grandes métropoles du Venezuela, du Mexique ou encore du Brésil.

En   tant   que   plateforme   consacrée à l’image photographique, la Fondation A Stichting se concentre essentiellement sur le « photo-document ». Comme le souligne Astrid Ullens, le projet repose sur l’image qui soulève  une  réflexion  philosophique et des questions : « Comment changer le monde dans lequel nous vivons ? » ou « Voir la réalité des choses sous un angle particulier ? ». La photographie est le médium par excellence pour nous éclairer sur les grands enjeux de nos sociétés. Une démarche très différente des clichés décoratifs…

Parallèlement, la Fondation A Stichting a pris la décision d’aider des jeunes, tout en préservant son niveau élevé d’exigence tant dans le point de vue que dans la qualité du travail photographique. La Fondation peut aussi donner à ces jeunes la possibilité de s’immerger dans les références historiques, qui parfois leur font cruellement défaut. « La relation que j’établis avec les artistes est très importante », confie Astrid Ullens. « Je les suis et les encourage. Il y a une forme de mécénat dans cette approche, car il faut bien se rendre à l’évidence : on ne vit pas de la photographie aujourd’hui. En ce moment, nous aidons un photographe, Massao Mascaro, en finançant ses  voyages.  Il  réalise  un   travail   sur  les migrants sur les traces d’Ulysse. »

Le bouche-à-oreille fonctionne bien, car les jeunes photographes viennent directement à la Fondation ou sont envoyés par des conservateurs, comme Dirk Snauwaert, directeur du Wiels, le Centre d’art contemporain qui se trouve à quelques pas de là.

Ce qui m’intéresse, c’est de les lancer ! Lorsqu’ils rentrent dans la Fondation, ils bénéficient d’un tremplin extraordinaire au niveau international ».

À côté de cela, la Fondation se propose de devenir partenaire de projets d’expositions et d’éditions, organisés en collaboration avec des institutions culturelles belges et étrangères. « Nous avons fait un livre sur Friedlander, en collaboration avec le Yale Institute, et sur Robert Adams avec un jeune éditeur allemand, et en parallèle nous promouvons les publications d’artistes, en collaboration avec de jeunes éditeurs enthousiastes », poursuit Astrid Ullens.

À la Fondation A Stichting, les expositions sont accompagnées d’ateliers de lecture et d’écriture de l’image à l’attention des jeunes et des enfants. Régulièrement, élèves et étudiants sont invités à venir dialoguer avec les artistes. Ces échanges peuvent porter sur des sujets très graves, sans toutefois essayer de provoquer, comme les traces de la guerre en Angola ou des sujets plus sociologiques, comme l’art du portrait. Les enfants sont demandeurs…

Le lieu, à taille humaine, est propice à l’accueil des plus jeunes, qui ne se sentent pas submergés par la quantité comme dans un musée traditionnel.

Le projet pédagogique fonctionne particulièrement bien. S’installer dans des quartiers comme  ceux-ci  oblige à se mobiliser, notamment face à la montée de l’intégrisme. Je pense qu’il faut agir très vite et essayer de récupérer cette jeunesse. Cela ne passe que par l’éducation,  l’accueil  et l’ouverture. La Fondation va sur le  terrain  et les enfants sont très répondants. Nous avons récemment engagé une jeune femme pour nouer ce dialogue culturel avec les établissements de la commune de Forest, où nous résidons. Les enfants regardent les photos et en choisissent une qu’ils dessinent. Ensuite, ils font un parcours dans la commune pour voir et développer leur regard personnel. Nous avons des classes d’enfants de 5 ans qui restent des heures ! ».

La Fondation compte bien poursuivre dans cette voie, et continuer à développer des expositions, avec d’autres communes également, et de petites éditions.

Lorsqu’il y a six ans, Astrid Ullens a ouvert son espace dédié à la photo, il n’existait pas vraiment d’endroit à Bruxelles où avoir accès à de telles œuvres. Aujourd’hui, la Fondation bénéficie d’un rayonnement au-delà des frontières. Parmi les personnalités avec lesquelles Astrid Ullens collabore  régulièrement,  on citera Sam Stourdzé, directeur des Rencontres d’Arles, un des initiateurs du futur institut pour la photographie dans les Hauts de France, « le projet le plus ambitieux que la France ait connu depuis bien longtemps ». Ensuite, Anne Lacoste, ex-conservatrice du Musée de l’Élysée, également organisatrice de ce vaste chantier dans la métropole lilloise. L’objectif de cet institut pour la photographie est de devenir  rapidement  une  institution de référence en Europe pour les expositions, la recherche et la conservation.