La taxe Caïman repose sur la notion de transparence fiscale de certaines constructions juridiques. Autrement dit, les revenus encaissés par ces constructions juridiques sont taxables dans le chef des fondateurs (tel que la loi les définit), comme s’ils les avaient encaissés personnellement. Peu importe que ces revenus aient été ou non effectivement distribués aux fondateurs. Des exceptions existent cependant, notamment si les revenus ont été encaissés immédiatement par un tiers bénéficiaire qui réside dans l’EEE (Espace Economique Européen).
Par constructions juridiques, on entend d’une part les entités étrangères sans personnalité juridique (essentiellement les trusts), et d’autre part les entités étrangères ayant la personnalité juridique et qui ne sont pas soumises à l’impôt sur les revenus ou qui sont soumises à un impôt inférieur à 15%.
Ne sont cependant pas visées par la taxe les sociétés cotées en bourse, certains organismes de placement collectif (OPC), les entités établies dans l’EEE et ayant une activité économique effective, …
Les modifications apportées récemment par le législateur à la loi du 10 août 2015 portent notamment sur la notion d’activité économique effective, sur les OPC et sur les distributions de dividendes ordinaires ou sous la forme d’un boni de liquidation par une construction juridique disposant de la personnalité juridique.
1. Activité économique effective
Les constructions juridiques ayant une activité économique effective restent en-dehors du champ d’application de la taxe.
Dans la version initiale de la loi, il en résultait que ces constructions juridiques ne devaient pas être mentionnées dans la déclaration fiscale annuelle. A présent, l’existence d’une telle construction juridique devra être déclarée et l’exclusion du champ d’application de la taxe ne sera effective que si le fondateur ou le tiers bénéficiaire démontre, à première demande, que la construction juridique répond aux conditions d’exonération.
Les conditions d’exonération sont au nombre de trois :
- la construction juridique doit être établie dans un pays qui pratique l’échange de renseignements en matière fiscale ;
- elle doit exercer une activité économique effective dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle dans le lieu où cette entité est établie et, le cas échéant, dans le lieu où elle dispose d’un établissement stable ;
- l’ensemble des locaux, du personnel et de l’équipement à disposition sur le lieu d’établissement de la construction juridique ou de son établissement stable doit être proportionnel à l’activité économique exercée.
2. OPC
Tombent également en-dehors du champ d’application de la taxe, les OPC (c-à-d notamment les sicavs) publics ou institutionnels. A contrario, les OPC privés (c-à-d créés dans un cadre privé) sont visés par la taxe « Caïman ».
Parce que certains (contribuables) pourraient être tentés de créer des compartiments individuels au sein de sicavs publiques pour échapper à la taxe, le législateur soumet dorénavant à la taxe les « institutions, entités et sociétés dont les droits sont détenus par une personne, ou plusieurs personnes liées entre elles ». Ces institutions, entités et sociétés seront « le cas échéant considérées distinctement par compartiment ».
Des personnes seront liées entre elles lorsque :
- une ou plusieurs personnes, physiques ou morales, exercent le contrôle sur une autre personne morale, ou
- ces personnes sont parents ou alliés jusqu’au 4ème degré, ou
- ces personnes sont mariées entre elles, cohabitent légalement ou ont établi leur domicile ou le siège de leur fortune à la même adresse.
3. Distribution de dividendes ordinaires ou sous forme de boni de liquidation
Quelle que soit la forme du dividende, celui-ci ne sera dorénavant taxé que si les sommes distribuées à ce titre n’ont pas déjà subi la taxe « Caïman ». A noter que l’imposition du dividende distribué sous la forme d’un boni de liquidation sera dorénavant limitée à la partie des distributions de liquidation qui excède le montant des avoirs apportés.
La version initiale de la loi prévoyait que l’impôt de liquidation s’appliquait à la partie des distributions de liquidation qui excède le montant des avoirs apportés qui ont subi leur régime d’imposition en Belgique. Le maintien de cette version initiale de la loi aurait permis, dans certains cas, une « régularisation fiscale » à bon compte d’avoirs ou de revenus non déclarés à l’époque de l’apport. Imaginons en effet qu’un contribuable constitue une société et n’y apporte que des capitaux ayant pour origine des revenus professionnels non déclarés en Belgique. A l’occasion de la liquidation de la construction juridique, l’impôt de 27 % aurait été prélevé sur l’ensemble des avoirs apportés (alors que ceux-ci auraient dû subir, dans notre exemple, le tarif progressif de l’impôt des personnes physiques). Dorénavant, si des avoirs apportés n’ont pas subi leur régime fiscal propre, ils devront être régularisés via la nouvelle procédure de régularisation fiscale permanente (qui se fait cependant attendre).
Conclusion
Nous sommes définitivement entrés dans l’ère de la transparence. Pour ceux qui en douteraient encore, ajoutons que ce n’est plus la seule existence de la construction juridique qui doit à présent être déclarée en Belgique. Le Code des Impôts sur les Revenus prévoit dorénavant l’obligation de mentionner le nom de la construction juridique, sa forme juridique, son adresse et son numéro d’identification. En ce qui concerne les trusts, le nom et l’adresse de son administrateur devront également être mentionnés.